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Prix International 2004 à la Fondation "Pogranicze" Sejny

4.7.2004
«Pogranicze» n’est peut-être pas le seul exemple d’initiative mise sur pied pour promouvoir la coexistence dans les pays de l’est européen qui viennent de rejoindre l’UE et que nous ne connaissons que fort peu.

Elle constitue pourtant un témoignage significatif du fait que dans des régions régies par des régimes autoritaires qui les ont mis sous couvercle et isolés pendant plusieurs dizaines d’années, les confinant dans une «autre Europe» avec ses propres comportements, ses règles de jeu et ses propres références culturelles, des gens ont su nourrir aspirations et projets. En plus, cette autre Europe n’était finalement pas aussi différente de la nôtre.

Pogranicze, terre de frontière, borderland. Un nom parlant révélateur de l’importance des frontières dans l’histoire de la Pologne. Les frontières de ce pays ont beaucoup varié au cours des siècles. Jusqu’à la moitié du siècle dernier la Pologne a été plusieurs fois envahie et le territoire polonais a été objet de convoitise tant pour ses voisins de l'Est que de l'Ouest. A l’issue de la Seconde Guerre Mondiale les frontières ont été déplacées de quelques centaines de kilomètres vers l’ouest, ce qui a provoqué des migrations massives de populations. La plupart des Allemands sont partis vers l’ouest, les Biélorusses et les Ukrainiens vers l’est, les polonais originaires des régions orientales cédées à l'Union soviétique ont été déplacés vers l’ouest, dans des territoires récupérés au détriment de l’Allemagne, et la quasi-totalité des Juifs a été massacrée ou dispersée. La Pologne est ainsi devenue un pays ethniquement homogène pour l’essentiel, ce qui selon les chancelleries du monde entier est normalement considéré un élément stabilisateur qui peut amener la paix. Eh bien, «Pogranicze» a emprunté le chemin inverse. Elle a choisi exprès de s’installer dans une zone frontière, suivant le principe que la coexistence de différents peuples, traditions et croyances, ne pose pas de problèmes, mais, au contraire, est un facteur d’enrichissement.

La fondation «Pogranicze» est née en 1990 à Sejny - une petite ville de 6.000 habitants dans le nord-est de la Pologne, à la frontière avec la Lituanie - à l’initiative d’un groupe de volontaires qui dans les années 80 avaient connu la dissidence et la société alternative. Un endroit où rapprocher les Polonais et les Lituaniens (leur rapports n’ont pas été toujours faciles), réaménager l’ancienne synagogue et l’école hébraïque qui avaient été abandonnées, faire revivre les traditions tziganes et retrouver les traces des minorités qui arrivaient jusqu’en Biélorussie et en Ukraine, entamer un dialogue avec les catholiques, les protestants, les orthodoxes russes et grecques ainsi qu’avec les vieux-croyants. «Pogranicze» est devenu un point de rencontre, un laboratoire international avec ses activités documentaires, de recherche, d’enseignement, d’animation artistique, musicale et théâtrale, où l’on fouille dans le passé un peu comme les archéologues, pour mieux comprendre le présent et surmonter les tentations nationalistes, racistes et antisémites. Il suffit de citer Les Voisins. 10 juillet 1941, un massacre de Juifs en Pologne, le livre de Jan Gross, paru en 2001 et traduit en plusieurs langues, qui suscita un vaste débat difficile et douloureux sur les relations entre Polonais et Juifs.

L’activité de la fondation n’est pas limité au territoire de Sejny. «Pogranicze» intervient également dans des zones de crise comme la Bosnie et d’autres territoires de l'ex-Yougoslavie ou les autres pays de l’Europe de l’Est qui se sont aussi rapprochés de l’Europe communautaire et où la coexistence n’est pas toujours facile et établie. La revue «Krasnogruda», les publications et les voyages de ses membres témoignent de la volonté d’entamer des relations avec d’autres «terres de frontières», géographiques ou spirituelles, comme la Bosnie, le Kosovo, la Macédoine, l’Albanie, la Transylvanie, la Bucovine ou bien avec des villes multiculturelles de l’Europe centrorientale comme Prague, Czerniowcy, Vilnus et Kiev. Au café virtuel «Café Europa» se rencontrent et discutent librement écrivains et intellectuels de tous les pays, et donc pas seulement de l’Europe de l’Est, qui, comme le déclarent eux-mêmes, appartiennent à la génération qui considère la guerre en Bosnie - plutôt que la chute du mur de Berlin - l’événement qui a profondément marqué les esprits.

La Pologne, carrefour stratégique, a souvent été un enjeu des relations internationales et a dû souffrir des guerres et des invasions. Par rapport à nous occidentaux qui avons vécu les dernières dizaines d’années dans un territoire relativement privilégié et protégé, ces circonstances difficiles lui ont tout de même permis de développer une plus grande sensibilité à comprendre les soucis et les tribulations du temps présent. «Pogranicze» est une initiative méritoire d’un groupe de personnes libres, pas liées aux institutions publiques du pouvoir, qui sert de point de repère utile aidant à mieux connaître ces pays en transition et leurs problèmes de reconstruction. Cette fondation est surtout une fenêtre sur la partie de notre continent située de l’autre côté des frontières communautaires mais qui fait tout de même partie de l’Europe.


Le président du comité scientifique et de garantie: Renzo Imbeni
Le président de la fondation: Helmuth Moroder
pro dialog