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Ding Zilin: Si mon enfant était encore vivant ...

4.6.1999, Amnesty International
Depuis dix ans cette pensée ne me quitte pas un seul instant, et cela devient de plus en plus insupportable lorsque je rencontre les jeunes de son âge. J’ai un sentiment de vide, la sensation de précipiter dans un abîme.

S’il était vivant il aurait aujourd’hui 27 ans. A cette époque il n’avait que 17. Et, pourtant, il faisait déjà 1,80.Maintenant il serait encore plus grand.
Cette nuit-là il est sorti, déterminé, conscient qu’il était en train d’aller dans un endroit très dangereux. Il n’en est plus revenu.
“Si tu tombes, on prendra ta place!” criaient les jeunes adolescents qui soutenaient la grève des étudiants. C’était le dix-sept mai. Ces mots on les avait gravés à l’encre noire sur un fond blanc et ça frappait les yeux. Lui, il se trouvait au premier rang, il tenait la bande de la Haute école de l’université du peuple, et, derrière lui, ses camarades. Et puis, il est tombé, et il a payé ainsi la cohérence à ses idéaux.
Je me demande souvent: pourquoi vit-on finalement?
Si mon enfant était encore vivant….je lui donnerais tout l’amour dont je suis capable. Je ferais tout pour le soutenir, pour qu’il aille à l’université, l’envoyer à l’étranger pour qu’il puisse encore étudier… tout simplement comme le font les mères de ma génération.
En tout cas il est mort, mais il emporté avec lui tout mon amour et mes espoirs. Est-ce que c’est vrai que la vie aboutit dans le néant? Je ne peux pas oublier ce qu’il m’a dit ce soir-là avant de sortir: Si tous les parents étaient égoïstes comme vous, quel espoir aurait notre nation?”
Par contre, ce que nous, les adultes, on n’avait pas osé faire, on n’avait pas osé nous assumer nos responsabilités, ce sont nos garçons qui ont eu le courage de le faire, convaincus et conscients de ce qu’ils faisaient. Il est possible que ce n’était là qu’une passion temporaire et éphémère. En tout cas…..
Pourquoi nous, les adultes, nous ne sommes pas capables de donner quelque chose pour les idéaux?
Une amie a essayé de me soulager en disant: Si quelqu’un ne vit que pour vivre, sa vie n’a pas de sens même s’il arrive jusqu’à 70 ans. Même si ton enfant n’a vécu que 17 ans, ila vécu quand même une vie plein de sens.”
Je ne suis pas sûre que la mort de mon enfant ait tout de même un sens, car, les sens n’ont de sens que pour ceux qui sont vivants. Un jour, celui qui a survécu au 4 juin pourra parler de cette journée et rappeler ceux qui sont morts. Moi, je continue à croire qu’il ne faut pas vivre une vie médiocre, mais qu’il faut savoir la remettre en question pour acquérir une nouvelle dignité.
Je connais mon enfant. S’il n’était pas mort lors du massacre, s’il était encore vivant, il n’aurait jamais arrêté de lutter. Qu’est-ce que je serais moi-même, par contre, s’il était encore vivant?
Depuis le désastre du 4 juin, je serais peut-être craintive, je tâcherais de le proteger avec toutes mes forces, j’essayerais de contrôler et endiguer sa liberté de pensée et, avec tout mon amour, j’aurais fait de lui, peut-être, un citoyen respectueux et obéissant. Mon attitude aurait sûrement provoqué un conflit entre nous, car lui, il n’aurait jamais accepté l’égoïsme et la lâcheté. Cependant, il ne me mépriserait pas, ainsi qu’il ne casserait pas les rapports avec moi, puisqu’il aime profondement sa mère. Mais, il poursuivrait son combat, ce qu’il avait choisi de faire. J’accepterais tout ça.
Souvent on dit que les enfants continuent la vie de leurs propres parents, mais chez nous c’est le contraire. Aujourd’hui c’est moi qui est encore vivante et de surcroît je me suis reveillée de l’ignorance et la paresse. J’ai reconquis ma dignité. Mais cette renaissance est arrivée au dépens de la vie de mon fils. Je respire, ma voix, tout mon être ne sont que la prolongement de la vie de mon fils. Et ce sera toujours ainsi.

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