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Prix international "Alexander Langer" 1998 à Yolande Mukagasana et Jacqueline Mukansonera, Rwanda

3.7.1998
Le Comité de Garantie de l'association "PRO EUROPA, lentius, profundius, suavius", qui s'est réuni le 21 mai 1998 à Bologne, a décidé à l'unanimité d'attribuer le Prix international à la mémoire d'Alexander Langer, pour l'année 1998, à Yolande Mukagasana et Jacqueline Mukansonera du Rwanda.avec une Mention spéciale pour Ovidio Bompressi

La motivation est la suivante :
Par l'attribution de ce prix à la mémoire d'Alexander Langer, nous voulons avant tout relever un exemple de solidarité et de courage civils, vécu dans le cadre d'un des événements les plus tragiques de ce siècle : le massacre de 800.000 citoyens du Rwanda - dont la majorité appartenant au groupe ethnique tutsi, mais nombreux aussi du groupe d'origine hutu - perpétré en quelques semaines à partir du 7 avril 1994.
La Tutsi Yolande Mukagasana et la Hutu Jacqueline Mukansonera ne se connaissent presque pas et, pourtant, Jacqueline s'engage, au péril de sa vie, à sauver Yolande de la mort certaine.
D'autres cas similaires ont certainement existé au Rwanda en 1994, ainsi que dans d'autres pays où des génocides ont été commis.
Nous voulons faire connaître cette histoire que Yolande nous raconte dans son livre/témoignage "La mort ne veut pas de moi" (éd. Fixot 1997), car elle est la démonstration que, même dans les situations les plus difficiles et effrayantes, les responsabiltés et les initiatives individuelles peuvent jouer un rôle remarquable et qu'il est possible de poursuivre des valeurs telles que la tolérance et la capacité des êtres humains à vivre ensemble.
En particulier, nous avons voulu honorer Yolande Mukagasana, non seulement en tant que victime d'un génocide dans lequel elle a perdu toute sa famille, mais aussi pour son courage et sa volonté de survivre afin de témoigner de son expérience, afin que des événements si atroces ne soient pas oubliés, ne se repètent plus jamais et que les responsables de ces crimes soient punis.
Nous avons voulu honorer également Jacqueline Mukansonera, non seulement pour son audace, son aplomb et sa cohérence, des atouts qui lui ont permis de sauver Yolande, mais aussi pour la discrétion et la modestie avec lesquelles elle a repris son travail dans les associations chrétiennes au Rwanda de l'après-génocide.
De surcroît, nous voulons, à travers le prix décerné à ces deux femmes, rappeler le génocide de 1994 au Rwanda pour qu'il ne soit pas classé et oublié, dans notre mémoire européenne, comme un parmi les nombreux événements dramatiques qui se produisent dans des régions considérées comme éloignées, à la périphérie de notre planète. Il n'y a pas longtemps, pas plus d'un demi siècle, au coeur de l'Europe, en Allemagne, en Italie, en France, aux Pays-Bas, en Hongrie et dans bien d'autres pays encore, Juifs et Ariens ont vécu des situations semblables à celles des Tutsi et des Hutu du Rwanda et ont dû eux aussi faire de tels choix. Le même malheur est arrivé récemment aux Croates, Serbes, Bosniaques, Kosovars ou, dans un autre contexte, aux Algériens.
A Yolande et Jacqueline, nous voulons dire qu'elles ne viennent pas d'un pays exotique et lointain, mais que, au contraire, nous tous, nous vivons une histoire unitaire et indivisible où la valeur universelle des droits de l'homme est identique.
Nous voulons également, à travers ce Prix, exprimer une note polémique avec l'Europe et le monde occidental.
Le génocide de 1994 au Rwanda avait été explicitement annoncé et planifié par le régime de Juvenal Habayarimana, avec qui de nombreux pays, la France en premier, entretenaient des rapports étroits et même de coopération militaire.
Les responsabilités de l'Europe au Rwanda remontent bien sûr très loin dans le temps, lorsque les puissances coloniales manipulaient et exacerbaient les vraies ou présumées différences ethniques. Cependant, encore récemment, ces mêmes pays anciens colonialistes ont soutenu un régime raciste au lieu de protéger les forces d'opposition, hutu et tutsi, qui ont été victimes des massacres. Et même les Nations Unies, en avril 1994, fermaient les yeux et, avec le retrait des Casques Bleus, ouvraient la voie aux exécutions de masse.
Nous souhaitons que l'histoire récente du Rwanda, à travers les témoignages de Yolande et Jacqueline, puisse être perçue et pensée, non seulement au regard de l'importance des choix individuels, mais aussi comme une contribution à la création, entre les pays, de rapports responsables et inspirés des valeurs reconnues dans les actes fondateurs de la communauté internationale.

Le prix, de L. 20.000.000, leur sera remis le 8 octobre à Città di Castello, lors de la Foire des Utopies Concrètes, par Khalida Messaoudi, qui avait reçu le prix 1997.


Mention spéciale pour Ovidio Bompressi

Le comité de garantie a également voulu réserver une mention spéciale à Ovidio Bompressi, dans le but de souligner son intelligence, sa dignité et sa cohérence démontrées maintes fois dans sa vie et dans plusieurs domaines d'activités.
Nous tenons à rappeler tout d'abord son engagement politique et civil pendant plusieurs années dans sa ville, Massa, où, entre autres, il a fondé une petite mais dynamique maison d'édition, une revue locale et un cinéma d'essai.
Entraîné, en 1988, dans l'affaire du procès du commissaire Calabresi, il a été contraint d'abandonner ses activités, et il a utilisé sa liberté précaire pour s'engager, avec une grande générosité, dans une action silencieuse et risquée de solidarité à travers plusieurs missions en Bosnie.
Ensuite, en janvier 1997, il a volontairement renoncé à la liberté dont il pouvait disposer, pour se livrer à la prison "Don Bosco" de Pisa et poursuivre, à l'intérieur de ce lieu de détention, sa longue lutte pour la vérité et la justice à l'égard de l' "affaire" dans laquelle il avait été entraîné. Dans aussi bien que depuis la prison, il a engagé avec humilité une lutte pour l'amélioration des conditions des prisonniers, ces nouveaux "damnés de la terre" au milieu desquels le sort l'avait mené : un engagement dont témoigne la publication "Fili Blu, lettres de prison", en collaboration avec Athe Gracci pour les éditions "Il Grappolo". Enfin et surtout, il a su tirer de ses expériences matière et inspiration pour une activité littéraire de poète et de conteur, produite dans deux oeuvres: Salva e continua ( Sauve et continue)(Introduction de Erri de Luca, Lupetti/P.Manni 1997) et L'Angelo nell'angolo ( L'Ange coincé) (Préface de F.Morandi, P.Manni, 1998). Ces oeuvres témoignent d'une humanité riche et douloureuse, d'une quête d'amour et de participation à la nature et à la souffrance des hommes.

Pour le Comité de Garantie du Prix: Lisa Foa, Peter Kammerer
Du Comité de Garantie du Prix font part aussi: Birgit Daiber, Renzo Imbeni, Simonetta Nardin, Anna Segre, Gianni Sofri, Gianni Tamino, Massimo Tesei.



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